
Jadis, ce terme était employé pour les roulottes des gens du voyage tirées par des chevaux. Mais dans les années 50, chez Pinder, »VERDINE » était encore employé pour ces attelages modernes pour l’époque. Ainsi, elles se distinguait des caravanes plus conventionnelles comme celles que l’on trouvait dans les campings. Ces années d’après guerre étaient une époque à pourboire, la normalité d’alors. Mamie m’époustouflait dans son geste auguste avec ses offrandes de star, car sa manière de donner était aussi esthétique que ample. Toute sa vie, elle a été généreuse en argent, en gâteau, en câlins, en écoute et en sages conseils. Ça a toujours été son art de vivre, sa respiration et ce qui a nourri son rayon de soleil. Madame Laboual, de son côté, prend un immense plaisir à l’accumuler, à compter sa recette quotidienne, exclusivement ‘’en liquide’’, donc que du cash, du grisbi et du bon poignon qui sent si bon, lui conférant l’impression d’accumuler un trésor. C’est d’ailleurs le cas, elle s’assoie jour après jour, sur un tas d’or. À l’époque, pas de carte bleue, pas de chèque sauf en 1966, où à peine 17 % des Français les utilisent. À partir des années 55, Gérard Laboual modifie l’horaire de départ du matin. Il ne va démarrer qu’à 5 h 30 pour gagner une tranche de sommeil en plus, à la demande de sa dizaine d’employés. Le convoi Pinder-Spiessert maintient lui, son horaire habituel à 4 heures du matin et se déploie lentement à rythme et écarts réguliers, vers la ville suivante. L’organisation est légèrement modifiée afin qu’Irène Laboual puisse compter sa caisse sans perdre de temps. Au démarrage du convoi Laboual, elle trône déjà comme une reine, dans le salon assez luxueux de sa caravane Assomption, décorée de meubles marquetés en bois de rose, aux appliques et poignées de Lalique et lampes de Murano. Encore coiffée de ses bigoudis de nuit, elle est confortablement assise devant de lourds sacs bleus en toile de jute épaisse posés au sol, rempli de pièces et de billets. L’immense bonheur qui la fait jubiler après avoir dégusté le premier café noir pris avant le démarrage, c’est de toucher onctueusement ses pièces, les trier, les compter, puis additionner et totaliser, aidée de sa Marinette. Toute la recette de la veille est étalée sur la longue table du salon, tout en roulant à 50 kilomètres/heure, pour ne pas vomir, d’autant que défile le paysage. Elle se régale à créer avec minutie, des rouleaux de pièces et des liasses de dix billets, épinglés en haut à gauche. Mamie me dira bien plus tard que souvent, au premier coup de frein d’urgence ou dans les virages un peu serrés, elles ont dû, à quatre pattes, ramasser le trésor du jour, éparpillé…
